Haro sur les pensions complémentaires

Haro sur les pensions complémentaires

Diverses attaques ont vu le jour ces derniers temps contre les avantages fiscaux et sociaux accordés aux pensions complémentaires (appelées aussi deuxième pilier de pension).

La critique se fait aussi bien sur les avantages accordés pendant la période de constitution des réserves que sur la fiscalité appliquée au moment du paiement du capital d’assurance de groupe. Le paiement en capital est remis en cause au profit d’un paiement en rente. La rente devrait être taxée en cumul avec la pension légale.

Le caractère inégalitaire de la pension complémentaire est souligné. En caricaturant à peine, la pension complémentaire ne profite qu’aux riches, qui bénéficient d’une niche fiscale très coûteuse à l’Etat. Il faut réformer cela. Comme l’a dit, Karine Lalieux, Ministre des pensions, il faut plus de solidarité entre les pensions les plus élevées et les plus basses. Il faut mettre fin à ce dérapage budgétaire.

Mais quelle est la situation réelle ?

Un rapport de la Cour des comptes d’octobre 2020 donne un certain nombre de chiffres clés :

Il y a 3.8 millions de bénéficiaires de pensions complémentaires en 2019 soit 75 % de la population active, 85.6 milliards d’euros sont gérés en 2019.

L’incitant fiscal consiste à accorder une déduction à 100 % des versements comme des rémunérations.

L’incitant social consiste à prélever 8.86 % sur les versements au titre de cotisations sociales (contre un taux de 25 % prélevé sur les salaires).

Le manque à gagner en cotisations sociales s’élève à 611,6 millions d’euros chez les salariés et 254,9 millions d’euros chez les indépendants.

Les réserves des pensions complémentaires sont réparties de façon inégale entre les différents types de pensions complémentaires et entre les hommes et les femmes (voir tableau page 3).

Nous pouvons faire les constations suivantes :

¨ Ce sont les pensions complémentaires accordées aux indépendants dirigeants d’entreprises qui sont les plus élevées. Les réserves acquises pour les hommes vont de 11.000 € à 16,4 millions d’euros. Seulement 20 % d’entre eux ont des réserves inférieures 29.000 €.

¨ Quant à la pension complémentaire des salariés (LPC), les réserves vont de 400 € à 8 millions d’euros. 70 % ont une réserve inférieure à 28.200 €.

¨ Quant à la LPCI (pension libre complémentaire pour les indépendants), les réserves constituées pour les hommes vont de 2.800 € à 2 millions d’euros.

¨ Les femmes ont une pension complémentaire largement inférieure aux hommes.

Répartition en déciles des montants des réserves acquises d’affiliés nés en 1956 (données 2019 en €)

 

 

Déciles

LPC LPCI Dirigeants d’entreprise
Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes
D1 158,2 443,8 1.816,6 2.841,1 9.691,4 11.420,5
D2 333,7 1.203,5 3.957,3 7.059,3 19.284,4 28.219,6
D3 521,8 2.527,5 6.487,2 11.595,9 30.921,7 48.356,9
D4 792,8 4.796,6 9.978,0 17.307,4 45.169,3 71.017,2
D5 1.387,5 7.687,4 14.288,9 23.746,1 61.543,8 98.619,8
D6 3.368,0 13.725,4 19.159,0 31.637,1 90.663,3 137.525,1
D7 8.069,8 28.155,8 28.380,6 41.096,5 128.356,1 189.139,6
D8 24.467,2 72.003,2 40.906,9 52.175,5 182.473,3 267.607,1
D9 71.693,7 190.098,7 63.194,6 75.752,6 292.270,2 456.544,3
D10 3.375.346,0 8.028.422,3 251.652,7 247.254,5 2.066.802,3 16.465.652,0

Le système des pensions complémentaires est absolument nécessaire

Certes, il y a des inégalités dont on peut faire un constat. Peut-on vraiment parler d’inégalité ?

Ce sont les systèmes du 1er pilier qui sont inégaux. En effet, des différences considérables existent entre la pension des indépendants, des salariés et du secteur public (fonctionnaires nommés). Les pensions du secteur public sont plus généreuses. La pension du 2ème pilier permet de diminuer ces différences.

La pension complémentaire est le reflet des différents niveaux de salaires. Compte tenu des niveaux de salaires différents, le taux de remplacement octroyé par le 1er pilier est inférieur pour les plus hauts revenus. Il est normal dans ce contexte d’avoir des réserves plus élevées pour les travailleurs ayant les revenus les plus élevés.

De plus, les plus hauts revenus contribuent en cotisations sociales sur l’ensemble de leurs rémunérations alors que la pension légale est plafonnée. Certaines réserves sont minimales car le plan de pension a commencé plus récemment. Un des objectifs du gouvernement actuel est par ailleurs de démocratiser les pensions sectorielles et d’arriver à un taux de cotisation minimum de 3 % du salaire.

Les travailleurs ayant des revenus plus faibles sont protégés par l’octroi d’une pension minimale dont l’objectif du gouvernement est d’arriver à 1.500 € nets en fin de législature.

Doit-on remettre en cause la fiscalité et les cotisations sociales du deuxième pilier ? La remise en cause de ces incitants rendrait les pensions complémentaires moins attractives. Or, nous ne pouvons nous passer du système du deuxième pilier. Cependant, la cour des comptes, dans son rapport d’octobre 2020, pointe 2 faiblesses dans ce système sur lesquelles il nous semble nécessaire de réfléchir :

  • Au niveau fiscal, la règle des 80 % est complexe à contrôler. Pour rappel la pension légale + la pension complémentaire ne doivent pas dépasser 80 % de la dernière rémunération brute annuelle.
  • Le mécanisme régulateur au niveau social, à savoir la cotisation Wijninckx, qui consiste à appliquer une cotisation supplémentaire de 3 % sur l’augmentation des réserves de pensions complémentaires en cas de pension complémentaire élevée est, selon la Cour des comptes défaillant.

Quid de la taxation du capital ?

Faut-il revoir la fiscalité lors de la perception du capital ? Le capital d’assurance de groupe est taxé séparément à un taux oscillant entre 10 à 20 %. Le taux préférentiel de 10 % est accordé que si l’on reste effectivement actif jusqu’à l’âge légal de la pension. Le capital doit être versé au moment où l’on prend la pension légale.

Nous ne proposons pas de revoir cette fiscalité en général. Néanmoins, une réflexion peut avoir lieu pour les pensions complémentaires les plus élevées notamment lorsque le montant de la pension complémentaire + la pension légale dépasserait le montant de la pension que l’on aurait eue si toute la carrière était effectuée dans le secteur public.

Imposer le paiement en rente ?

Faut-il imposer le paiement de la pension complémentaire en rente ?

La réponse est clairement non. Il s’agirait d’une rupture totale de contrat. Si une telle mesure devait être prise, on perdrait toute confiance en l’Etat. Uniquement les personnes en bonne santé et vivant longtemps pourraient bénéficier du fruit des cotisations versées durant toute la carrière. C’est impensable et injuste.

On a constitué sa pension complémentaire dans un contexte social et fiscal bien déterminé, on ne peut le changer en fin de parcours.