Le temps plein en 4 jours introduit dans la fonction publique

Le temps plein en 4 jours introduit dans la fonction publique

Le temps plein en 4 jours introduit dans la fonction publique

 

Le 1er septembre 2023, le Conseil des ministres a approuvé un projet d’arrêté royal visant à instaurer le régime de la semaine de travail de quatre jours à temps plein et le régime hebdomadaire alterné dans la fonction publique administrative fédérale.

 

Chaque organisation pourra décider elle-même d’appliquer ou non ces mesures de flexibilité. En outre, elle pourra les modifier au besoin.

 

Tout membre du personnel souhaitant bénéficier de ce régime pourra en faire la demande lorsque ce régime de travail aura été introduit au sein du service, et moyennant autorisation. Cette autorisation est limitée dans le temps : trois mois au minimum et six mois au maximum.

 

Cette répartition des prestations à temps plein sur quatre jours au lieu de cinq est possible pour les employés du secteur privé depuis novembre 2022. 

 

 

Secteur privé : succès ou échec ?

 

En avril 2023, Securex avait vérifié la popularité de cette mesure en se basant sur les données d’encodage de ses clients de moins de 1.000 salariés, employant ensemble 101.656 travailleurs, soit environ 2% de la population des travailleurs belges.

 

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’opération était un véritable flop. Seuls 0,73% des travailleurs ont adopté ce régime de travail, et selon Claeys & Engels, 70% des entreprises refusent d’adopter ce régime de travail. En cause ? L’organisation du travail s’en trouve complexifiée, voire cauchemardesque.

 

Comme l’explique Securex “la planification du travail devient plus complexe. En particulier lorsque certains travailleurs choisissent la semaine de travail à temps plein de 4 jours et d’autres non, au sein d’équipes qui doivent (par exemple) assurer la permanence, ou d’équipes responsables du contact et du service clientèle.“ En effet, comment assurer un équilibre et une certaine forme de justice entre employés et ouvriers, mais aussi entre les travailleurs qui requièrent une présence sur site et les autres ?

 

L’entreprise SD Worx a elle aussi publié les résultats de son enquête sur le sujet. Et ses conclusions semblent confirmer les résultats de Securex : c’est un bide total. Sur les entreprises interrogées, seules 7% des PME bruxelloises, et 3% des PME wallonnes ont implémenté la mesure.

 

Ces dernières sont, à ce sujet, les moins pessimistes : 41% estiment qu’il y a des avantages à cette forme de travail flexible, même si 34 % n’y croient pas.

 

C’est bien la Flandre qui réserve à cette mesure un accueil glacial : seules 20% des PME estiment qu’elle contribuera à retenir et attirer des travailleurs. Pire encore, 45% d’entre elles ne sont pas convaincues.

 

Acerta et Stepstone confirment : près de six Belges actifs sur dix (57,4%) ne sont pas favorables à la semaine de travail de quatre jours. Alors même que cette disposition ciblait les familles, elle intéresse en réalité davantage les jeunes : 47,6 % des travailleurs âgés de 20 à 30 ans souhaiteraient cesser de travailler cinq jours complets, quand bien même cela passerait par une semaine de 4 jours plus intense.

 

L’insuccès rencontré par la mesure pourrait s’expliquerait donc par le chaos organisationnel que son application pourrait provoquer, et par le fait que plus de trois Belges actifs sur quatre souhaitent investir le temps libéré par la réduction du temps de travail dans leur vie privée. Les syndicats soulignent que cette semaine de quatre jours, si elle libère un jour, crée des journées de 9 à 10h en pratique. Absolument intenable “pour les femmes, surtout pour celles qui vivent dans une famille monoparentale”, selon la FGTB. Celle-ci voit surtout la mesure comme un tremplin vers la semaine de 32 à 36 heures.

 

 

Au Luxembourg, la possibilité d’une semaine de quatre jours avec réduction du temps de travail 

 

Une semaine déjà adoptée par RH Expert, une entreprise luxembourgeoise de consultance en ressources humaines. Le crédo de Laurent Chappelle, son CEO ? “Se concentrer sur le travail à réaliser et pas les heures”. Dans une interview accordée à Paperjam, magazine consacrée au business du Grand-Duché, il souligne les multiples avantages de cette mesure. Si les quatre jours travaillés sont plus denses, l’entreprise y gagne en productivité horaire, et les salariés aussi : “Les salariés travaillent entre 32 et 36 heures par semaine”, selon des objectifs donnés par leurs managers. Ces derniers sont donc remis au cœur de l’entreprise. Pour concilier les vies des multiples profils, l’entreprise a adopté une politique de flexibilité horaire, chacun pouvant commencer entre 6h30 et 10h, et finir entre 17h et 20h30.

 

PwC, quant à elle, a tenté la journée de quatre jours “à la belge”, soit à près de 10 heures par jour… avec des résultats mitigés. Lieven Lambrecht, directeur des ressources humaines, raconte : “la moitié n’étaient pas intéressés et préféraient continuer avec les horaires flexibles”, tandis que d’autres se sont vite plaints de “journées trop longues”. Enfin, “les gens utilisaient leur jour pour se rendre à la mairie, chez le dentiste, et à la fin, c’était moins flexible que de prendre une heure ou deux pendant la semaine”. Les horaires flexibles, une politique que PwC conseille, voire privilégie, face à une semaine de 40h en quatre jours jugée trop intense. Les salariés se dirigent naturellement vers deux semaines de neuf jours, dont ils peuvent librement répartir les 80 heures de travail. Mais tout cela n’est possible que parce que le Code du Travail luxembourgeois le permet, notamment au travers de l’article 211-18. 

 

Enfin, au Luxembourg comme en Belgique, syndicats et patrons divergent : flexibilisation, oui, mais sans réduction des heures pour les premiers; tandis que les seconds revendiquent une réduction du temps de travail, justifiée par une productivité horaire en hausse depuis des décennies.