C’est à partir de la signature du Pacte de solidarité entre les générations en décembre 2005 que l’inflexion vers le prolongement des carrières s’est réellement amorcée en Belgique. Les conditions d’accès aux différentes filières de retraite anticipée du marché du travail, la prépension conventionnelle et le système des « chômeurs âgés » en tête, ont été renforcées. Le but était qu’à terme, le système de pension légale, éventuellement anticipée, demeure la seule voie de sortie ordinaire du marché du travail. Grâce à ces politiques d’activation et aux incitants à travailler plus longtemps, le pourcentage de personnes âgées de 55 à 59 ans occupées a fortement augmenté, passant de 5,5% de l’emploi total en 2002 à près de 12% en 2022. Pareillement, la proportion de personnes âgées de 60 à 64 ans ayant un emploi s’est accrue au cours de la même période pour passer de 1,4% de l’emploi en 2002 à près de 6% en 2022. Cependant, et nous le notions dans un article précédent, une large part de seniors se trouvent éjectés du marché du travail avant d’atteindre la pension. En effet, faute d’avoir commencé avant 21 ans, certains travailleurs lâchent l’affaire, trahis par leur corps ou leur esprit.

Les seniors (55-64) sont surtout employés dans cinq secteurs :

  • la santé et l’action sociale (16%) ;
  • l’industrie manufacturière (12%) ;
  • le commerce de détail (11%) ;
  • l’éducation (10%) ;
  • et l’administration publique (10%).

La part de travailleurs âgés est relativement faible dans la construction, dans l’horeca, dans les technologies de l’information et de la communication et dans les arts et spectacles. Ce constat peut s’expliquer, entre autres, par la nature des tâches propres à chaque secteur (travail physique, horaires atypiques, etc.) ou par les compétences en perpétuelle évolution requises dans les secteurs de pointe. Les personnes actives au‑delà de 65 ans sont principalement occupées dans le secteur de la santé et le commerce ; elles travaillent majoritairement à temps partiel.

Comme on l’observe, la proportion de personnes de 50 à 64 ans occupant un emploi est à présent beaucoup plus élevée qu’en 2005, ce qui se vérifie à tous les âges. Parallèlement, la part des bénéficiaires de régimes de prépension ou de pension est en recul. En revanche, le rapport pointe que le pourcentage de personnes se déclarant malades ou invalides a également augmenté, à tous les âges, dans ce groupe.

Pour les seniors qui n’ont plus d’emploi, il reste difficile de retrouver le chemin du marché du travail. À peine 9% des nouveaux embauchés en 2022 ont dépassé l’âge de 50 ans. Ce niveau est nettement plus faible que dans les pays voisins. De même, les personnes de 59 à 64 ans restent surreprésentées dans les cessations d’emploi (fins de contrat et licenciements ou pertes d’emploi pour raison économique).

La qualité des conditions de travail qui sont offertes aux travailleurs âgés – des facteurs tels que le niveau de salaire ou la stabilité de l’emploi – place la Belgique relativement haut dans le classement européen. Cependant, ces facteurs liés à l’offre et à la demande de travail pour les travailleurs âgés ne sont qu’une partie du spectre. La perception des individus est tout aussi importante lorsqu’est évoquée la décision de quitter le marché du travail : pourquoi les personnes âgées choisissent-elles de le quitter ?

Comme l’écrit Pascal Lorent, éditeur pour Le Soir, l’augmentation des malades de longue durée dans la tranche des travailleurs seniors “démontre les limites des politiques actuelles. Celles menées par les gouvernements mais également par les directions d’entreprise. Les uns semblent refuser d’admettre l’usure provoquée par le travail ; les autres, constatant celle-ci, voient dans la main-d’œuvre une ressource à l’obsolescence programmée : passé un certain âge, le travailleur ne doit plus être formé car il n’est plus assez productif. Ces deux postures extrêmes, de plus en plus décriées, constituent les deux faces d’un même aveuglement.

Le travail doit être rendu vivable : on ne travaille pas à 60 ans comme on travaille à 30.

  1. Les déterminants du départ (souhaité) à la retraite

Les décisions liées au départ à la retraite sont influencées par une combinaison de facteurs, dans laquelle la perception des travailleurs, que ce soit de leur santé ou de l’environnement de travail, joue un rôle clé. Examiner l’âge de la pension nécessite de distinguer l’âge légal de la retraite, l’âge effectif auquel la pension est prise et celui auquel les travailleurs s’attendent à quitter le marché du travail. La Belgique est connue pour présenter un écart substantiel entre l’âge effectif et l’âge légal de la retraite. Si ce dernier est de 65 ans à l’heure actuelle (il atteindra 67 ans d’ici 2030), les retraités indiquent que leur sortie du marché du travail s’est opérée en moyenne à 61 ans. Les vagues successives de l’enquête dévoilent une hausse de l’âge moyen auquel les travailleurs s’attendent à prendre leur retraite (anticipée).

Comme l’on pouvait s’y attendre, les seules variables influençant significativement la probabilité de prise de pension sont l’âge de la personne et la durée de sa carrière. D’autres variables, bien que considérées dans par les estimations de la BNB, n’ont qu’une incidence plus marginale. Ce constat va de pair avec le fait que près de trois quarts des retraités indiquent que l’accès au système de pension légale a constitué l’une des raisons clés à la base de leur départ à la retraite. Pour certaines personnes, un retrait s’est imposé avant 50 ans et dans ces cas de figure, les personnes ayant un historique de santé fragile, des blessures physiques ou des emplois physiquement exigeants sont surreprésentées.

D’autre part, l’enquête explore également l’intention de prendre sa retraite dès que possible, révélant un paysage multifactoriel avec une forte hétérogénéité parmi les répondants. Des périodes d’études plus longues, le statut d’indépendant et un état de santé perçu comme excellent sont associés à des attentes de retraite plus tardives.

Inversement, le mécontentement au travail émerge comme un puissant incitant à prendre sa retraite tôt. La probabilité d’un travailleur moyen d’être démotivé à continuer de travailler augmente de 30 points de pourcentage s’il est mécontent de son emploi. Les aspects négatifs de la relation employeur-employé, tels que la pression des délais et le manque de soutien de la hiérarchie dans des situations difficiles, influent sensiblement sur la motivation des travailleurs âgés. Le manque de reconnaissance, un salaire perçu comme inadéquat ou la pénibilité physique d’un emploi pèsent aussi sur la volonté de continuer à travailler, mais leur influence est moindre. Le lien entre la volonté de quitter le marché du travail et ces aspects liés à l’environnement de travail est plus fort en Belgique que dans des pays comparables tels que la France, l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Suède. Une enquête qualitative plus approfondie permettrait d’en saisir les raisons.

Les enquêtes menées durant la crise du COVID-19 ne montrent pas que la pandémie a changé la donne en matière de décisions de retraite. Si certaines personnes ont pris leur retraite plus tôt durant cette période, cette décision était surtout guidée par des facteurs non liés à la pandémie. Cela suggère donc que les motivations préexistantes continuent de jouer un rôle fondamental dans les choix de retraite.

Sur le front des politiques économiques, ces enseignements sont importants en ce qu’ils confirment le fait que l’élévation de l’âge de la pension passe inéluctablement par une meilleure intégration des travailleurs âgés dans l’environnement de travail. Les réformes qui rendent plus difficile l’accès à la retraite ou à la préretraite peuvent se révéler inefficaces si elles ne vont pas de pair avec un renforcement de l’offre et de la demande de travail dans ce segment d’âge. Il faut se montrer souple, flexible, imaginatif, et associer les travailleurs à la gestion de leur fin de carrière.

Les mesures visant à améliorer les conditions de travail ou l’employabilité des travailleurs âgés, sur les plans des compétences et du coût relatif, sont donc des outils précieux pour l’augmentation de leur taux d’emploi.

Note : Il s’agit ici du communiqué de presse de la BNB, légèrement amendé. Pour toute information supplémentaire, nous vous recommandons de consulter leur étude complète, disponible ici (uniquement en anglais).

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